"Un film madeleine et Volvic"


Souvenirs ou fiction ?

Et oui, c'est vrai, Gérard Jugnot a bien été scout à la 8ème de Neuilly. C'est même pendant cette période de sa vie qu'il aurait commencé à faire rire ses copains les soirs de veillées et que la vocation de comique lui serait venue, ce qui expliquerait le côté "authentique" de Scout Toujours, un film tourné sur fond de souvenirs personnels et d'air pur, un film "madeleine et Volvic" selon ses propres dires. 

Un scout plus vrai que nature ?

Maintenant, Gérard Jugnot a-t-il fait du scoutisme en Lozère ? Est-il un fervent défenseur de la cause scout ? Apparemment pas plus qu'il n'en faut puisqu'il déclarait en 1985 avoir sillonné plusieurs départements avant de trouver "par hasard" son bonheur à Florac. Aussi, tandis que le spectacle des scouts turbulents  était plutôt bien apprécié par le grand public, les principaux intéressés les "vrais" scouts étaient quant à eux beaucoup moins hilares, même plutôt navrés qu'on se moque un peu d'eux.

Et les valeurs scouts ?

Si la nature est une valeur intrinsèque au scoutisme, on sait au moins une chose, c'est que Gérard Jugnot en  a hérité. Il n'y a qu'à voir la manière dont il a cadré les paysages et les arrières-plans dans son film pour le comprendre. Aussi lors de la promotion du film en 1985, le réalisateur affirmait avoir fait les repérages lui même et avoir parcouru le Lot et la Dordogne pendant des semaines avant de trouver ce qu'il cherchait réellement. La découverte du château d'Ariges et du Tarn qui serpentait dans son domaine fut même en quelque sorte comme un soulagement pour lui. Cette volonté farouche démontre bien le  goût prononcé de Gérard Jugnot pour les espaces naturels mais elle met surtout en exergue son goût pour l'esthétisme et le travail bien fait, valeurs qu'on retrouvera plus tard dans ses autres films.

Le sens du perfectionnisme

C'est entendu, lorsque Gérard Jugnot a débarqué en Lozère il avait déjà dans sa tête de grande idées pour son film sinon il se serait arrêté dans le Lot ou la Dordogne. Pour mettre en valeur les exploits de ses scouts il lui fallait des lieux authentiques et spectaculaires, comme à Florac ou dans ses alentours, il n'en manquait pas cela tombait plutôt bien. Il faut cependant souligner que si le réalisateur a su présenter ou mettre en valeur ce qu'il y a de plus beau dans la région c'est que soit il était entouré de personnes somme toute compétentes dans le domaine du repérage soit on l'avait très bien informé.
Résultat : des canyons méconnus du grand public, profonds et difficile d'accès fixés sur la pellicule pour la beauté du spectacle et notre plus grand plaisir.

Un travail d'équipe

On peut en outre féliciter son équipe de tournage qui en a certainement bavé pour atteindre le fond de ces gorges encaissées accessibles uniquement à pied, au point qu'une tyrolienne de 90 mètres avait même été tendue pour descendre le matériel de prise de vue au Gouffre des Meules au Pont de Montvert par un certain Pierre Serrano créateur du célèbre GRIMP de Florac. Ces difficultés rencontrées par l'équipe sont d'ailleurs bien illustrées par la scène de sauvetage du jeune Scout Anthony avec ce pénible périple des scouts dans les Gorges même du Tapoul, ce qui met en valeur le côté "aventure" du film. Le tout est filmé dans un cadre naturel exceptionnel voir sauvage, ce qui fait transparaître des sentiments plus nobles que les blagues potaches et fait resurgir des qualités humaines telles que l'esprit de cohésion, la nécessité du dépassement de soi et la solidarité dans la difficulté.

Entre canyons et cascades


Si le tournage du film a tout autant été une aventure que le film en lui même, voir une réelle épreuve de force en certaines circonstances, la Lozère par son décors escarpé naturel était donc pour Jugnot un terrain idéal pour y lâcher sa troupe de scouts et un cadre parfait pour présenter les paysages naturels auxquels il aspirait réellement. On peut en outre dire que le cinéaste a vraiment mis du cœur à l'ouvrage, au regard du nombre et de l'étendue des lieux de tournage pour mettre en valeur le décors de son film et que l'exercice est finalement bien réussi sauf qu'il ne facilite pas la tâche lorsque l'on recherche ces endroits bien disséminés et cachés. Ainsi, pour les scènes "aquatiques", il a fallu se renseigner auprès de kayakistes confirmés pour retrouver par exemple le site où Anthony se fait mordre par une vipère, un pur bijoux de la région : le gouffre des Meules au Pont de Montvert. Il a fallu aussi glaner des infos auprès des blogueurs sur les site de canyoning pour retrouver le point "Alpha" une autre perle du pays dans les gorges du Tapoul à Massevaques.

Avant, après Scout Toujours

La Lozère est donc naturellement une terre sauvage pour le plus grand bonheur de ses habitants et des sportifs de l'extrême notamment grâce à ses cours d'eau comme le tumultueux Tarn. Elle ravit aussi les adeptes de sensations fortes avec des activités comme l'escalade à la via Ferrata du Rochefort en haut du Causse Mejean a Florac. Elle est en outre fière de son  patrimoine culturel millénaire avec notamment ses menhirs et ses dolmens pour le plus grand plaisir des randonneurs plus spirituels. Elle est aussi riche des produits de son terroir et des savoir-faire culinaires ancestraux et là je pense à mon ami Martial Paulet célèbre gastronome de la région. Gérard Jugnot n'est pas le seul cinéaste à l'avoir filmée mais la notoriété de l'acteur et le succès populaire de son film a au moins contribué à faire découvrir la région à un large public d'anonymes comme moi et ça c'est encore une vertue de Scout Toujours en plus de nous faire rire.